© Benoit Deville 2000_2025
Vos avis
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Litanie
est
un
texte
à
la
fois
déroutant
et
agaçant.
Déroutant
parce
qu’il
est
difficile,
durant
plusieurs
chapitres,
d’y
trouver
des
repères,
difficile
d’identifier
quelque
référent
à
quoi
l’on
puisse
s’accrocher
pour
produire
un
sens
que
l’on
trouverait
cohérent
(selon
nos
traditionnels
critères
de
lecture).
Il
est
vrai
que
nous
n’avons
pas
les
clefs
de
ce
genre
nouveau
que
Benoît
Deville
appelle
le
«
proman
».
L’une
de
ses
premières
caractéristiques
serait
justement
pour
moi
l’incertitude
de
son
référent
(à
quoi
renvoient
ces
mots,
ces
phrases,
à
quelle
expérience
que
nous
pourrions
partager
?),
une
sorte
de
référent
flottant.
A
quoi
contribue
beaucoup
l’hypostasie
de
la
plupart
des
sentiments
ou
émotions
qui
se
voient
dotés
systématiquement
d’une
majuscule
en
faisant
des
sortes
d’entités
abstraites,
un
peu
à
la
manière
d’une
Carte
du
Tendre
(mais
une
Carte
du
Tendre
inversée,
cynique
et
désespérée).
Cela
relève
d’une
forme
de
Préciosité,
mais
ici
de
Préciosité
noire,
infernale.
Agaçant
parce
qu’on
est
sans
cesse
partagé
entre
l’envie
d’abandonner
et
la
nécessité
de
poursuivre
la
lecture
;
et
que
cela
met
mal
à
l’aise.
Car
ce
texte
peut
paraître
quelquefois
trop
fabriqué,
donner
l’impression
que
l’auteur
en
rajoute
(et
il
accumule
en
effet
les
signes
de
ponctuation
expressifs,
le
vocabulaire
le
plus
cru
ou
violent,
toutes
les
ressources
de
la
typographie
-
italiques,
pronoms
en
gras
-,
crée
un
rythme
par
la
brièveté
de
phrases
nominales
et
le
recours
à
la
parataxe,
par
le
ton
vaticinateur).
Mais
en
même
temps
on
y
perçoit
la
force
d’un
souffle,
une
puissance
d’expression
qui
ne
peuvent
pas
être
inauthentiques
et
l’on
continue
sa
lecture
tout
en
plaignant
le
narrateur
s’il
exprime
là
vraiment
le
plus
profond
de
son
désespoir
d’être.
C’est
peut-être
en
effet
de
cela
qu’il
s’agit
:
du
désespoir
d’être
au
monde,
ou
plutôt
d’avoir
été
mis
au
monde
par
cette
Mère
dont
on
n’a
jamais
pu
supporter
d’être
séparé.
Autrement
dit
:
on
croit
le
comprendre
peu
à
peu
:
il
s’agirait
du
déchirant
traumatisme
de
la
naissance.
Un
traumatisme
dont
le
narrateur
ne
s’est
jamais
remis
et
qu’il
tente
désespérément
d’effacer
par
un
délire
de
régression
intra-utérine
et
incestueuse.
Un
narrateur,
donc,
qui
n’est
jamais
devenu
adulte
et
que
caractérise
parfaitement
cette
formule
de
la
page
64
qui
me
paraît
condenser
l’essentiel
de
cette
œuvre
:
«
Et
l’immature
se
serre
contre
le
ventre
chaleureux
».
Mais
si
l’on
ne
veut
pas
rester
sur
cette
interprétation
psycho-pathologique
peut-être
trop
réductrice,
on
pourra
trouver
aussi
à
ce
roman
une
portée
universelle,
à
propos
de
la
difficulté
d’être,
de
ce
que
Pavese
appelait
«
Le
métier
de
vivre
».
«
Roman
»
n’est
d’ailleurs
peut-
être
pas
le
terme
adéquat
:
il
s’agirait
plutôt
d’un
(très
long
!)
poème
en
prose
qu’il
faudrait
lire
à
haute
voix
pour
en
apprécier
pleinement
la
puissance
et
le
rythme.
Dans
le
doute,
entre
adhésion
et
rejet,
on
ne
peut
qu’inciter
les
lecteurs
à
y
aller
voir
par
eux-
mêmes.
Une
seule
certitude
:
Litanie
ne
laisse
pas
indifférent.
Dans
l’ensemble
de
la
production
littéraire
diffusée
sur
le
Net,
ce
n’est
pas si fréquent.
Georges-André QUINIOU
, le samedi 30 avril 2011